LA LANGUE FANTÔME
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FRAGMENTAIRE

1

Seconde main, seconde lumière, seconde bouche : je suis un être légendaire. Saufs, les élans où informe je me sens poindre menacent la légende, et où est le fil par lequel je passais ? Dis-moi qui tu erres. Saillent des cicatrices et des joies d’un tissu sans histoire et bientôt sans mémoire, et les histoires mêmes font des îlots qui prolifèrent à même le vide. Recoller les morceaux ne sera bientôt plus qu’un rêve suivit à la traîne, comme on vit dans leur sillage — un rêve filant. Le fil par lequel je passerai.

2

Quand, marchant dans l’absence, l’espace à contre-corps,

atteint le point où de plus en plus se replie de plus en plus vite vers un point d’étrange de plus en plus proche
quand là se plie dans le point m’involue involue une trajectoire non voulue l’étrange en ce point qui s’étend, se dilate, enveloppe le monde comme un lieu d’où le monde se couvre et se découvre étrange
se dérobe au donné me dénude du dedans tombe et se replie de plus en plus vite vers ce point d’étrangeté
dépassé lieu vidé d’où se jette à l’étrange en ressac
dépassé par l’étrange qui n’en revient plus d’être

quand atteint là ce point d’étrange qui n’en revient pas un sans-lieu se cherche dans le miroir, là
un corps se meut dans les mots s’émeuvent de tout ce qu’ils n’ont pouvoir de saisir
se jettent les uns contre les autres sur les rives du corps
rivés au corps rêvé qu’ils nomment à corps perdus
éperdus de bouches à occuper canons d’où expulsés s’exploser comme un air commun au monde
de grands airs au monde où pavaner tous ensembles communs n’évoquant plus le monde

atteint ce point d’étrange d’où les mots ne reviennent pas au monde qu’ils (veulent) voilent, étranger,
quand l’étrange n’en revient plus de se retrancher du monde et les mots de s’entre-dire
là parle possible nécessaire
comme ce qui alien au monde sent froid au flanc l’obscur souffler.

3

Du corps perdu : le son mat des choses à l’orée du non-être. Seule une vue glauque de désespoir s’échappe sauve des nappes de lumière retournées, le jour, le fon du jour où l’air est rare et confine à l’asphyxie.

4

En retard. L’espace manque au possible. Le temps manque (à) l’espace. Correspondances raées. S’effile là l’existence où espaces et temps sont rejoués sur des lignes divergées. Instant la déchirure où tout s’entaille sauf. Jamais à nouveau. Éclats d’un futur. Lu entre les lignes de failles — futur défaillant. Le temps s’étend sans voir l’étendue qui l’attend.

5

Nuit. Une fatigue. Dans la pensée la nuit dort, s’éveille et endort la pensée. Lumière, je suis morte déjà, depuis des années où ce corps se survit. Nuit qui s’écale de la pensée mais ta lumière en mon corps. Œuvrer aux nouvelles feuilles, le printemps buté contre. Se taire et se terrer là dans le corps noué, s’y retirer, cuire dans ta lumière à l’étouffée, et au fond tous ces travau insus et ces travers, ces traverses et torsions, cette poursuite infinie.

6

Les espaces ouverts de ta voix me manquent.

7

Je te cours après
des années après je cours
après des années.

8

De son œil enflammé par son zénith regarde oblique, parle dur et lapidaire médit. Zénith à fuir qui brûle sale air, zénith atteint éteint. De vagues pierres de violences à souffler. Me brûle une triste rage, une rage de glace brisée.

9

Comme un caillot bouche l’artère. Pas un atome de pensée : un hématome de pensée se répand sur les gestes de ce qui n’est plus, de ce qui ne fait plus corps, sinon poreux où l’air insiste sale.

10

Les mots manquent à la blessure. Je lui donne un visage. Précaire. Un sourire. Précaire.

11

Lancer un si comme au cœur tape un vœu. Comme un toc. Comme au cœur un toc erre et rampe sous le temps, insuffle au cœur l'irréel à loger dans les impasses du corps. Lancer un vœu que le cœur serre. Ce cœur erré. Lancer un vœu que le corps serre.

12

Refermer la tristesse sur elle-même. Sur son seuil: salut, maison. Se barrer en en sortant comme d’autres se signent à l’Église. Là ma présence et ce que je suis, que j’ai poursuivi le long des ans. Salut maison, ces ruines, mes ruines. Se fouiller une dernière fois. Avant le premier pas : où est mon amour? À perte de vue.

13

Défigure-toi bien que l’avenir est un acquis temporel. On l’a envisagé : regarde-le dans les yeux. Des yeux de bête terrée guettant depuis l’extrême fragile, vibrante encore à peine du temps qu’elle habite et abrite dans la réserve perméable de son corps.

14

Rêves. Éveillés ou endormis, effeuillent le temps et percent, poussent, sans bruits, jouent leurs airs, charment — invisibles failles. Avant de s'en rendre compte, on ne se regarde plus qu'à la dérobée ou en chiens de faïences.

15

Je regarde le monde troué, siphonné, posé sur le vide où il commence à sombrer. Je glane tous les éclats, tous les états de la lumière, m’accroche des yeux à toutes les formes, à tous mes sens, sentant à ma nuque monter le hérissement d’une nuit froide comme l’univers, la sentant étendre, creuser les distances entre la vie et moi. Sans espoir, cette prise grêle et trop friable, je m’accroche.

16

Le corps dans les cordes, ses rêves épars pillés.

17

Froides, les passions qui ont viré à l’acide laissent des éclats d’obsidiennes au cœur et des gestes noirs dans le corps — des coups d’éclats comme on tombe de soi, comme on tombe en soi : comme on se laisse tomber.

18

Animaux, nous nous battons pour survivre dans un monde numéral ; nous combattons pour nous déchiffrer, redevenir physiques. Nos sérénités sentent la poudre et le souffre, grouillent du fracas de forêts abattues et d’océans halés. De petits enfers, des sérénités de fer.

19

Tout ouvrir, en grand. Une voix déchantée double une voix qui chante, s’en masque et, dissimulée au milieu du son, simule : on n’y entend que du feu, le crépitement des os qui le nourrissent, le tremblement d’un mince filet de flamme qui s’avive, en dépit de.

20

Après la chute, désastré. Non pas un ange, mais un homme, au milieu du désastre où commence le langage. Je parle sans ciel dans la voix, me retranche des mots et ne laisse que la chute.

21

Le visage en pierre : disparaître. Regarder en face sa disparition, ne laisser aucun souvenir. Être visible fait friction, compromet, demande de garder un visage. En soi ces liens refermés sur du vide. Désintégré. Je n’ai jamais su être parmi vous, arpente hermétique cet espace commun où se meuvent des corps clos et lointains, des décors.

22

Un instant d’inattention. À la marge que les sentiments sondent, au revers du corps vécu, une effraction de ce qui, sans signe, intime de s’arracher à l’ordinaire de l’attention, aux signes devenus insignifiants : de se détourner. Négatif, rejeter les signes préfabriqués à force d’un temps infertile. Mesurer son succès à l’aune du déblai : la légèreté gagnée du thorax. S’arracher à une attention ossifiée vers une vérité intense et encore sans preuve. Faire inattention.

23

Laisse en silence les mots essayer leurs traverstissements. Débâcle-les, fais une pause : ils ont une longue déroute devant eux et seront hors d’haleine. Une fois reposés, ils reprendront ton souffle, reviendront à tes sens : tu parleras remonté.

24

Un amour aux mâchoires serrées, une tendresse aboyante et des mots à cran d’arrêt. Geste après geste briser, pour être à la mesure : jouir de prendre le dessus, d’inanimer ce qui n’est plus qu’un objet, perdre le contrôle au moindre contre. Il nous aura fallu apprendre à vivre en proie, hors de portée, à regarder avec l’œil du cyclone.

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